Deuxième choix de la draft 2003, Darko Miličić, un grand gaillard serbe de 2,13 m, était censé dominer en NBA, grâce à son énergie et sa technique exceptionnelle. Il s’est crashé dès le début de son ascension. Il a quitté les États-Unis et le basket pour retrouver la Serbie et devenir agriculteur. Il raconte son incroyable parcours.

Par Yann CASSEVILLE

Darko Miličić figurera à jamais parmi les plus grands flops de l’histoire de la draft NBA. En 2003, il est sélectionné en deuxième position, après LeBron James et juste devant Carmelo Anthony, Chris Bosh et Dwyane Wade. Drôle de Top 5. Quatre futurs membres du Hall of Fame et un cinquième élément. Comme un raté, raillé, un temps détruit mentalement. En 2012, James, Wade et Bosh remportaient le titre NBA avec Miami, dans la foulée James et Anthony conservaient l’or olympique, quand Miličić disputait le dernier match de sa carrière. À 27 ans.

Nous avons voulu savoir ce qu’il était devenu. Ces dernières années, le Serbe a évité les médias. Après être resté silencieux, il a accepté de se confier en mars 2016 au quotidien serbe Blic, révélant sa nouvelle fonction : agriculteur ! Par l’intermédiaire de Saša Jadranin, l’un des journalistes qui effectua l’entretien ce jour-là dans un café de Novi Sad, nous avons souhaité solliciter Miličić pour une interview. «Darko ne parle pas aux médias», nous découragea notre confrère, qui accepta tout de même de servir d’intermédiaire. Après plus d’un mois de négociations, de temps d’attente, de relances, notamment via un de ses amis qui utilise plus les boîtes mails et réseaux sociaux que l’ancien basketteur, il a finalement accepté de répondre. À la condition de parler, plus que de son passé en NBA, de son actuel quotidien, à Novi Sad, sa ville natale, avec sa femme, ses enfants, à cultiver cerises, pommes et prunes.

Ainsi nous raconte-t-il son quotidien. «Mes journées commencent par des exercices matinaux. Les enfants se lèvent pour aller à l’école. Après les avoir accompagnés, je retrouve des copains pour le petit-déjeuner. Je suis dans le verger au plus tôt de la matinée, je travaille avec les agronomes, on établit des plans de ce qu’il faut faire. Après, les enfants sont de retour à l’école et je passe mes après-midis avec la famille. Je fais un peu d’exercice, avec les enfants aussi.» Et le basket dans tout ça ? «Je suis intéressé par d’autres choses. Je ne suis pas le basket. J’en regarde parfois à la télé, mais pas de manière planifiée.L’équipe dont je suis fan, l’Étoile Rouge, a de bons résultats en Euroleague et je m’en réjouis.» Le ballon est désormais derrière lui. C’était sa vie d’avant.

Il a joué à Paris

Son histoire avec le basket commence réellement à s’écrire lorsqu’il quitte Novi Sad, à 14 ans, pour rejoindre le club formateur de Vrsac. «J’ai vu Darko pour la première fois au début de l’année 1999 et j’ai commencé à travailler avec lui au printemps qui a suivi. Un ami coach m’avait dit qu’il y avait un nouveau jeune, grand, fort et gaucher», nous raconte Petar Rodić, qui fut sélectionneur des cadets de la Yougoslavie, coach des équipes de jeunes au Partizan Belgrade et à Vrsac, où il dirigea Miličić. «Les deux-trois premiers mois, je n’ai pas remarqué son superbe talent, mais avec le temps, j’ai conclu que j’avais un diamant du basket qui devait être poli. Il aimait travailler et apprenait très vite.» En 2001, le jeune intérieur est sacré champion d’Europe U16 avec la Yougoslavie, apportant 10,8 points et 8 rebonds. «Là, le basket européen l’a découvert», reprend Rodić. «Malheureusement, après, des agents ont vu leur intérêt en lui et ont commencé à lui rentrer dans le crâne…»

À 16 ans, Darko Miličić est déjà passé pro à Vrsac. Il dispute la coupe Korac (C3) en 2001-02, avec des moyennes de 7,9 points, 4,7 rebonds, 10 d’évaluation en 21 minutes. Le 12 décembre 2001, en phase de poule, Vrsac s’incline après prolongation à Coubertin face au Paris Basket Racing. Après avoir vu Miličić compiler 13 points, 6 rebonds, 3 contres, 19 d’évaluation en 22 minutes, un membre de l’hebdomadaire BasketNews, l’un des rares médias présents ce soir-là, s’empressera de dire à ses collègues à son retour à la rédaction à quel point un gamin l’a bluffé et impressionné. En 2002-03, Vrsac dispute la C4, la Fiba Europe Champions Cup, et Miličić, toujours mineur, se rit de ses aînés : 13,4 points, 6,8 rebonds, 1,7 passe, 1,6 contre, 17,2 d’évaluation en 24 minutes. Il passe 36 d’évaluation au PAOK, 32 à Ankara. Il écrase les Lettons de Skonto avec 37 points à 17/19, 9 rebonds, 9 passes, 53 d’évaluation en 30 minutes !

Les scouts américains affluent. Plus encore que par les chiffres ou le physique déjà solide (2,13 m et plus de 110 kilos) de l’adolescent qui résiste aux vétérans, ils salivent face à son potentiel : ce grand gaillard, à l’énergie féroce, peut tirer, passer, et dispose d’un jeu dos au panier éblouissant. «J’ai eu la chance de travailler avec Vlade Divac, Radoslav Nesterović, Predrag Drobnjak, Mile Ilić, Željko Topalović, et à partir de cette expérience je peux dire que Darko pouvait devenir le meilleur joueur blanc au poste bas. Il avait un feeling exceptionnel pour utiliser l’espace, un excellent jeu près du panier, un excellent sens de la passe», décrit Petar Rodić.Ses mouvements rappellent Olajuwon, dit à l’époque un dirigeant NBA ; il est plus fort que Gasol, plus physique que Nowitzki, écrit Chad Ford d’ESPN ; il peut devenir le pivot le plus dominant depuis Sabonis, estime un recruteur dans Sports Illustrated. Quelques semaines avant la draft…

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Retrouvez l’intégralité de cet article dans le numéro 6

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