Coaches et adversaires le respectent. Amara Sy passerait presque pour le parrain du championnat. Il fait désormais partie des meubles de la Pro A, lui qui a débuté sa carrière en 1999. Pour autant, à 35 ans, “l’Amiral” tient toujours parfaitement le cap. Déjà double champion de France avec l’ASVEL, il vise la passe de trois avec Monaco.

 

Propos recueillis par Yann CASSEVILLE

 

«Les premiers souvenirs, c’est à Pigalle, où j’ai grandi. Une enfance très heureuse, malgré une extrême pauvreté. Mes parents se sont toujours sacrifiés pour leurs enfants, pour nous donner le maximum. Grâce à eux, on n’a pas ressenti cette misère extrême. On a déménagé à Cergy (Val d’Oise) quand j’avais 10 ans. C’est là que j’ai vu pour la première fois un ballon de basket, un panier. Je ne connaissais pas ce sport. Mon truc, c’était le foot dans la rue. Je me suis même fait renverser par une voiture ! Je voulais faire comme dans le dessin animé Olive et Tom, une passe sous un bus à un copain, sauf que le bus a emporté le ballon. Des ballons, je n’en avais pas 50 000 donc j’ai couru après, je n’ai pas regardé, boum, renversé. J’ai perdu connaissance, je suis allé à l’hôpital, mais j’ai eu de la chance, c’était juste un petit accident.

Mon quotidien, c’était le foot, la musique afro, ce qui passe au Top 50, Alain Souchon, Marc Lavoine, Patricia Kaas, mais à Cergy, bam, basket et hip-hop, tout en pleine gueule ! Le jour du déménagement, on est arrivé en fin de soirée, un jeune jouait au basket. Avec mes frères, on savait que c’était du sport parce qu’il y avait un ballon mais on était intrigué. Le lendemain, il y avait toujours le même jeune, et ils étaient une cinquantaine sur le terrain, avec un gros poste, du hip-hop, ça dansait, ça jouait au basket, ça chambrait. On a kiffé ! Quand tu arrives dans un quartier, il faut que tu fasses tes preuves, et on les a faites : on a cassé la gueule à tout le monde ! (Il rit) Voilà comment le basket a commencé, par une bagarre.

J’ai gardé beaucoup d’attaches à Cergy, ma famille, des amis. À Pigalle, c’est plus compliqué. Avant, c’était le quartier infréquentable, avec la prostitution, la drogue, depuis ils ont nettoyé donc je n’ai plus de connaissances. Il y a deux-trois ans, j’ai revu ma maîtresse d’école, Pascale, une personne très importante. Sinon, je n’ai pas eu de très bonnes nouvelles, ça s’est mal terminé pour certains.

L’arrivée à l’ASVEL

J’ai forcé dans le foot pendant plusieurs années, mais je suis tombé dans le quartier de Cergy où ça jouait le plus au basket, et à 14 ans j’ai pris ma première licence basket, en minime département à Cergy. Je mesurais 1,83 m et je ne dunkais pas ; j’ai passé mon premier dunk à la fin de la saison. Au début, je n’étais pas dans le cinq, en départemental, c’est pour dire mon niveau ! J’ai progressé très vite. Ensuite, les cadets de Cergy sortaient d’une saison exceptionnelle, demi-finale du championnat de France. Ils ont fait une détection, tout le monde disait que je ne serais pas pris. J’y suis allé, décontracté – un polo, un short, et pas de chaussures de basket, ni même pour courir ! – et sur 150 joueurs j’ai été le seul pris. Suite à ça, j’ai fait une saison en championnat de France, avec mon meilleur ami, Modibo Niakaté, et je suis parti à Rueil-Malmaison. Là, j’ai fait une grosse saison, carton sur carton en cadets. Juste avant, j’ai rencontré Pascal Lévy, qui organisait des détections, invitait des coaches de centre de formation, et suite à l’une de ces journées, Pierre Tavano, directeur du centre de l’ASVEL, m’a invité à un tournoi avec les espoirs de l’ASVEL, et j’ai été recruté. À l’époque, je ne connaissais rien au basket. Je ne connaissais pas Alain Digbeu, Delaney Rudd, Jim Bilba, personne. Villeurbanne ? C’est où ! Mais j’y suis allé et j’ai kiffé : la ville, l’équipe, l’Astroballe.

Au contact des pros, en voyant quelqu’un comme Frédéric Miguel travailler comme un fou, j’ai bossé pour rattraper mon retard. J’ai commencé à 14 ans, j’ai signé mon premier contrat pro à 19 ans, c’est passé super vite. À la base, je ne jouais que pour mettre des paniers. Tout ce qu’il faut faire pour gagner, les passes, les rebonds, ça passait ensuite. Le titre de champion de France espoir a été un déclic. Et quand tu gagnes un trophée, c’est comme une drogue, tu veux continuer.

Merci Bogdan Tanjević

On n’arrêtait pas de me dire que le dernier titre de l’ASVEL remontait à 1981, et comme c’est mon année de naissance, je répondais que le prochain titre arriverait avec moi. C’était pour rire, mais ça s’est passé comme ça, en 2002. Je ne devais même plus jouer avec eux à la base ! Je devais aller à Kentucky, l’ASVEL a fait le forcing pour que je reste, on a bataillé tout l’été, j’ai fini par rester à contrecœur. Et je n’ai pas joué. On me racontait des histoires, comme quoi j’avais le niveau mais qu’on ne voulait pas me brûler les ailes, qu’il y avait une pression sur le club qui perdait en finale depuis quatre ans. J’ai trouvé un accord avec l’ASVEL pour partir à Bourg-en-Bresse, tout était OK, mais il y a eu un changement de coach : Greg Beugnot est parti et Bogdan Tanjević a signé. Un jour, l’ASVEL m’appelle pour me dire que Tanjević aimerait que je reste. Bien évidemment, j’ai répondu que je n’en avais rien à foutre ! (Il rit) Je ne savais pas qui c’était ce Tanjević, ils me racontaient sa vie, son CV… Mais je m’en fous, je me barre, vous m’avez déjà fait des promesses, j’ai perdu un an ! On repasse par un forcing, au final on trouve un terrain d’accord : tu ne pars pas et si au bout de deux-trois mois tu n’es pas satisfait, tu pourras partir. Pendant les matches amicaux, ça se passe super bien, mais comme l’année d’avant avoir fait une grosse pré-saison avec des cartons de 30 points à 18 ans n’avait servi à rien, je ne m’enflamme pas.

La saison commence par un match d’Euroleague, l’AEK Athènes. Pour moi, je n’allais pas jouer donc je n’étais pas prêt de chez pas prêt. Premier changement du match, on m’appelle : «Amara !» Comment ça Amara ? Un frisson m’a traversé le corps. Je rentre sur le terrain, je ne fais que des bêtises, j’oublie des rotations, je perds des ballons. Le coach me sort, me passe une soufflante. Je me dis que je ne vais plus jouer, mais le mec me rappelle ! Je n’étais toujours pas prêt. Pareil, passage catastrophique. Je sors, il m’en met plein la gueule. Cette fois, je me suis concentré : «Lui, ça a l’air d’être un fou, il est capable de te rappeler donc sois prêt». Au final, je rentre une troisième fois, je fais une super fin de match, je mets le shoot de la gagne. C’était le début de l’aventure, j’ai eu un rôle majeur, on a été champion de France. C’est grâce à Tanjević, qui m’a fait confiance, me parlait beaucoup. Il disait qu’à l’ASVEL il y avait d’énormes potentiels alors que quand il a pris le club, il a demandé aux dirigeants s’il y avait des joueurs intéressants et ils lui ont répondu non. Il y avait quand même Frédéric Miguel et Alexandre Amet qui ont joué en Pro B, Nouha Diakité et Lassana Touré qui ont joué en Pro A, Hervé Touré en Pro A et Italie, Ali Traoré international français, et moi ! En arrivant, Tanjević avait amené deux jeunes au cas où, mais quand il a vu tous les mecs qu’on était, il les a vite ramenés chez eux. Il a dit : «J’étais en Italie pendant des années, il n’y a pas la moitié du potentiel qu’il y a en France». Il nous faisait travailler individuellement, c’était super, malheureusement il n’est resté qu’un an.

All-Star en Grèce

Quand il est parti, il voulait m’emmener avec lui à Bologne. Mais comme il était en conflit avec l’ASVEL, le club a dit : «Non, Amara ne part pas». Philippe Hervé l’a remplacé. Dans ses déclarations, il parlait de ce qu’il voulait mettre en place mais jamais de moi. Je me suis dit : «Il va me faire un coup bizarre, je préfère anticiper et partir». Un autre combat avec l’ASVEL. Moins d’une semaine avant que la saison ne reprenne, ils ont vu que j’étais déterminé à partir, donc ils ont lâché l’affaire et j’ai signé au Mans. Là-bas, les trois saisons se sont super bien passées. J’étais dans le cinq majeur, je jouais plus de 20 minutes. On avait une équipe de jeunes avec Alain Koffi, Pape Amagou, Yannick Bokolo. Même si je n’avais que 20 ans, j’avais un rôle de grand-frère. Ensuite, c’est mon premier retour à l’ASVEL. Là, enfin, les dirigeants m’ont respecté, au niveau du statut, du salaire.

Ensuite, c’est la Grèce, l’une de mes meilleures expériences. J’ai été super bien accueilli, les fans m’adoraient. J’ai fait une bonne saison, All-Star, comme Mike Batiste, Arvydas Macijauskas, Šarūnas Jasikevičius… J’avais signé deux ans, je voulais rester, le club voulait me prolonger. Mais la Grèce, c’est très compliqué. Notre président venait d’un autre club, avait repris l’AEK mais pas à 100%. Il était en négociations avec l’ancien président pour reprendre à 100% mais la condition était qu’il paye les dettes. Ils n’ont pas trouvé de terrain d’entente, mon président est parti pour reprendre le PAOK et m’a dit de venir avec lui. Qu’est-ce que je vais foutre au PAOK, je ne sais pas comment est le club, alors qu’à l’AEK je suis bien ? Je ne voulais pas aller au PAOK dans ces conditions. Il répond : «Oui, mais comme je pars, l’AEK va avoir des problèmes de salaires». Tout l’été, je n’ai pas donné de nouvelles, j’attendais que l’AEK ne me paye plus pour partir, mais ils ont continué de me payer. Certains joueurs n’étaient plus payés, mais moi, tellement ils ne voulaient pas que je parte, ils continuaient de me payer, même l’été ! J’avais plein de propositions, en Espagne, Grèce, Russie, Italie, partout. J’ai raté plein d’opportunités, ça me prenait la tête, je voulais rentrer en France parce que mon père était malade. L’ASVEL m’a proposé un contrat, j’ai dit à Pierre Grall, le GM : «Vingt équipes ont déjà essayé, ça a été refusé, ça sera pareil pour vous». Pierre Grall appelle et une demi-heure plus tard la lettre de sortie est arrivée ! D’après Pierre Grall, c’est un stagiaire qui a fait une erreur, on lui a demandé la lettre de sortie et il l’a envoyée, ensuite l’AEK a voulu annuler mais l’ASVEL tenait la lettre. Et au final ça arrangeait l’AEK qui ne pouvait plus me payer.

Si proche de la NBA

À l’ASVEL, j’ai fait une grosse première partie de saison, tout le monde me voyait MVP. Malheureusement, j’ai perdu mon père pendant l’année, j’ai commencé à être moins bien. Même si je ne le montrais pas trop – j’étais l’un des aînés de la famille, il fallait que je sois fort –, ça m’a beaucoup affecté. On  a gagné le titre mais pour moi ça a été très dur, je n’étais pas le même joueur. À l’été, on n’a pas réussi à s’entendre avec l’ASVEL et je suis parti à Dallas, où était mon agent Bouna Ndiaye. Je me suis entraîné là-bas pendant plus d’un mois. Un jour, Bouna m’a appelé pour me dire que je pouvais m’entraîner avec les Mavericks ; tous leurs joueurs avaient repris sauf Dirk Nowitzki et Jason Kidd. Il n’y avait rien au bout, c’était juste pour m’entraîner. Ça s’est super bien passé. Le coach Rick Carlisle a vu que je marchais sur tout le monde et a dit : «Mais c’est qui ce mec ? Il peut revenir demain ?» Rodrigue Beaubois était là aussi, il était choqué : «Arrête de casser des gars !» Il me disait ça discrètement, en français, moi je répondais : «Mais je n’arrête rien du tout, ce sont des gars comme toi et moi». Le lendemain ? Je fais pire ! Encore mieux. Même Shawn Marion était énervé. Le coach m’a dit de revenir le surlendemain. Plus on avançait dans la semaine, plus j’étais en confiance et plus je leur faisais la misère. Ils m’ont proposé un contrat pour participer au veteran camp. J’étais chaud bouillant. Malheureusement, je n’avais pas de visa de travail. Je n’avais qu’un visa touriste de trois mois. Le contrat vet camp, c’est un mois, et s’ils te valident c’est la saison. Ils avaient déjà 17-18 joueurs, le propriétaire Mark Cuban a dit : «Ce mec, je ne sais pas qui c’est, j’ai déjà des joueurs à couper, laissez-moi tranquille».

J’ai toujours eu la certitude que je pouvais jouer en NBA, là j’avais la confirmation. La seule solution était la D-League. Mais je ne suis resté que deux mois et demi, trois mois. J’étais impatient parce que toutes les semaines, je performais, des équipes venaient me voir, mon coach me disait : «Tu es à deux doigts d’aller en NBA». Je vivais en colocation avec deux mecs, on voyageait dans des conditions relou, je perdais patience, j’en avais marre, je jouais pour des cacahuètes, je ratais des contrats de fou. Le Real, le CSKA Moscou, Séville m’avaient contacté. J’ai dit non à tous ces clubs pour en arriver au final à me dire : «Le prochain contrat qui arrive, qu’il arrive du Bangladesh ou n’importe où, je le prends». Murcia m’a appelé, proposé un bon contrat, j’ai accepté. Mon coach m’a dit que j’allais regretter, et quand je suis parti, trois ou quatre gars de l’équipe ont été appelés pour rejoindre des équipes NBA. Je n’ai pas été en NBA, c’est comme ça, il y a toujours eu un truc qui a empêché. Aujourd’hui, quand tu vois les mecs qui mettent trois points par match dans des petites équipes et qui sont draftés, moi à 20 ans je tournais à 10 points dans l’équipe deuxième du championnat ! Si j’étais d’une autre génération, j’y serais allé.

Orléans, une équipe formidable

Je n’ai pas fait une bonne saison en Espagne mais Murcia voulait me resigner. Je n’étais pas bien. Mon père, la NBA, la D-League, trop de trucs dans la tête. Je me suis dit que j’allais me relancer à Orléans. La première saison ne s’est pas bien passée. À la fin de la saison j’ai eu une bonne grosse discussion avec Philippe Hervé et il a mis le doigt là où il fallait. Il a compris que je n’allais pas bien, il m’a parlé de mon père, je suis tombé en sanglots, je pleurais, mais ça m’a fait du bien. J’avais besoin de parler mais je n’en parlais à personne. Peut-être que je me mentais à moi-même, que je faisais le mec fort, mais j’avais besoin de ça. On s’est serré la main et à partir de ce jour-là, c’est reparti ! (Il rit) J’ai fait une grosse saison. C’est pour ça que Philippe Hervé a été important dans ma carrière.

La défaite en demi-finale contre Chalon (en 2012) reste l’un de mes pires souvenirs. Cette équipe d’Orléans est la meilleure dans laquelle j’ai joué, au niveau du jeu proposé, des affinités avec le coach,  les joueurs (Banks, Greene, Monds, Ndoye, Pellin, Joseph, Sangare, ndlr). Les gens nous cataloguaient équipe streetball, on avait l’un des meilleurs jeux du championnat ! Philippe Hervé nous disait qu’il n’avait jamais été aussi loin dans ses systèmes. Lui s’est régalé, et à côté il a eu pas mal de maux de tête parce que dans l’équipe il y avait des fortes têtes, ça jacassait pas mal. Mais en match, on faisait à la lettre ce qu’il demandait. On avait une défense incroyable, on pouvait jouer les yeux fermés, personne ne tirait la couverture à lui. Je n’ai jamais connu ça. Même si aujourd’hui à Monaco, on a un super groupe, les gens nous attendent alors qu’à Orléans, les gens ne nous voyaient même pas en playoffs.

Heureux à Monaco

Quand je suis revenu à l’ASVEL, je pensais finir ma carrière, boucler la boucle. Ça ne s’est pas fait, j’étais déçu au début, mais là je ne regrette pas. Monaco, ça fait penser au luxe, aux casinos. Mais il n’y a que le président qui est millionnaire ! (Il rit) On n’habite pas à Monaco, c’est trop cher, on est limitrophe. Personne n’a de yacht, personne n’a de Ferrari, on est le troisième budget du championnat. Calmez-vous les gens !

D’être toujours en forme aujourd’hui, je me surprends moi-même. J’ai 35 ans mais il y a des secteurs dans lesquels je progresse encore. Je vais peut-être moins haut, moins vite qu’à 17 ans, mais dans les aspects techniques je progresse. Je peux jouer encore pas mal d’années. Si j’étais dans une équipe beaucoup moins ambitieuse, mes stats au scoring seraient doublées. Mais je veux gagner, je préfère jouer dans une équipe de Pro B qui vise la montée qu’une équipe de Pro A qui vise le maintien. Par sécurité, je prépare l’après-carrière, je mets des projets en place, mais je ne veux pas arrêter. J’ai l’opportunité d’être performant, de gagner des titres, de vivre de ma passion, pourquoi arrêter ? Si je pouvais, je serais le premier de l’histoire à jouer à 70 ans !

 

Le Mali ou les Bleus

Être champion du monde de un-contre-un (en 2004), sur l’instant, pour moi c’était normal. Avant même de faire du basket en club, j’ai joué des un-contre-un. Et je ne perds pas. Je ne perds pas ! Tous les ans des gars me défient. J’en profite pour balancer une petite crotte de nez à Yakuba Ouattara, qui a voulu me défier. Le pauvre… Il a perdu. Jordan Aboudou, pareil. C’est mon truc, les gars ! C’est mon profil qui m’aide, je peux me défendre des deux côtés du terrain, je suis assez grand, mobile. L’adversaire a toujours un point faible, attaque, défense, taille, vitesse… Quand j’ai gagné en 2004, les Ricains étaient rageux. À la base, ils devaient faire plusieurs éditions, mais comme pour eux, ils sont les maîtres du monde, ils ne pensaient pas qu’un Européen gagnerait. Pour leur marketing, leur image, ça ne le faisait pas, donc ils n’ont pas réédité. Je ne vais pas m’en plaindre, je suis le seul et l’unique. Même LeBron James ne peut pas dire qu’il est champion du monde de un-contre-un !

Pour l’équipe nationale, on m’a proposé de jouer pour le Mali quand j’étais en début de carrière et j’ai dit oui. Mamoutou Diarra m’a dit de penser à l’équipe de France, j’ai répondu : «Je ne joue pas en Pro A, pourquoi tu me parles de l’équipe de France ?» J’ai fait la CAN au Maroc, une bonne expérience. Ensuite quand j’étais au Mans, on m’a dit que je ne pouvais plus jouer avec le Mali parce que j’avais participé à des matches avec les U20 français. Claude Bergeaud m’a convoque pour les A’, puis pour les Bleus. J’étais trop content. Trois jours après, on me rappelait : finalement, c’est mort parce tu as participé à un championnat d’Afrique. Il y avait une bagarre entre les fédérations malienne et française. Je n’ai pas pu participer au championnat d’Afrique 2003 parce que l’histoire n’était pas réglée et au final la FIBA a a dit que comme j’avais joué une compétition senior avec le Mali, je ne pouvais pas jouer pour la France. J’étais déçu de ne pas jouer avec et contre de gros joueurs, mais il n’y avait pas de problème, j’ai continué l’aventure avec mes potes, aider un peu le basket malien. Dans la vie, je suis Franco-Malien. Parfois il y a des avantages d’être Français, pour voyager, et parfois d’être Malien, quand je suis au bled. Dans le basket c’est pareil, les deux me plaisent. Un peu plus tard, une règle est sortie comme quoi un joueur pouvait changer une fois d’équipe nationale. Vincent Collet m’a dit qu’il avait besoin de moi, j’étais flatté, mais j’ai répondu que je ne pouvais pas, je jouais pour le Mali depuis 2001, des gens comptaient sur moi. Il m’a dit : «Tu es sûr, tu ne veux pas jouer les championnats d’Europe, les JO ?» Non. Ça a continué longtemps, en 2010 encore, des Franco-Maliens voulaient rejoindre l’équipe du Mali, les dirigeants français négociaient : «On vous lâche tel joueur mais vous nous laissez Amara pour l’équipe de France». Les dirigeants maliens ont répondu : «Ce n’est même plus nous, c’est Amara qui ne veut plus changer !» Je savais qu’il n’y avait pas photo entre les deux, en termes de prestige et de niveau, mais ça faisait presque dix ans que je jouais avec le Mali, je n’allais pas retourner ma veste sous prétexte qu’on peut changer.

Avoir trois frères professionnels (Bandja, Mamadou et Mamoudou), c’est ma plus grande fierté. Je sais que mes frères ont fait du basket parce que j’en ai fait. Et ma mère est encore plus fière. Quand j’étais plus jeune, je n’étais pas fréquentable, j’ai fait des bêtises, et le basket m’a vraiment canalisé, j’ai arrêté toutes mes conneries. J’ai vu une porte de sortie, je l’ai empruntée, mes frères ont suivi ce chemin. C’est une grande fierté pour mes parents, pour moi, pour la famille. La famille Sy a marqué un peu de son empreinte le basket français.»

Article extrait du numéro 7 de Basket Le Mag  (avril 2017)