L’interview a duré plus d’une heure. Jacques Monclar, consultant beIN SPORTS, a parlé NBA, Pro A, équipe de France, les grands sujets, ceux qui enchantent et ceux qui fâchent. Au moment de quitter le bureau, en scooter, il nous lance : “Eh, tu vois qui en champion NBA ? Et en Pro A ?” Comme un symbole de son propos récurrent durant l’entretien, revenir aux fondamentaux, à la base : le jeu.

 

Propos recueillis par Yann CASSEVILLE, à Boulogne-Billancourt

 

L‘âge des joueurs est scruté, pas celui des consultants. Vous avez 60 ans. Est-ce un tabou, une marque importante, anecdotique ?
Les années existent, l’âge existe. Après, quand tu arrêtes de jouer à 32 ans, que tu deviens entraîneur, c’est un nouveau métier, donc tu te remets à zéro. Et quand tu arrêtes à 50 ans et que tu deviens consultant, tu te remets à zéro aussi. Faire des choses nouvelles permet de mentalement se remettre en cause, se restructurer. Et les événements de la vie te rappellent à l’ordre : quand tu deviens grand-père, tu te doutes bien que tu n’as pas 25 ans ! (Il rit) Je suis grand-père depuis presque deux ans et demi.

Les jeunes qui grandissent devant beIN SPORTS vous connaissent comme consultant. Le joueur et le coach sont oubliés ?
Si on veut plaisanter, on peut dire que quand j’étais joueur, les images étaient en noir et blanc. Ça rend humble, modeste. Tu sais ce que tu as fait, mais quand c’est fini, tu es vite oublié, joueur, coach. Et ça sera pareil pour la télé ou la radio. Même si tu peux laisser de bons souvenirs, tu ne laisses que des souvenirs, et ce n’est pas éternel. C’est normal. Les gamins de 16 ans avaient 3 ans quand la France a été championne du monde de foot. Pour eux, c’est virtuel, ils connaissent Deschamps sélectionneur, Zidane entraîneur, Dugarry et Lizarazu consultants. Même pour eux, ça passe ! Alors nous… (Il rit)

Ressentez-vous de l’excitation au moment où une nouvelle saison NBA démarre ?
Avec tout ce qu’il s’est passé cet été, tu es content de voir les effectifs. Le produit est attrayant, pour nous, beIN, vous, le nouvel équipementier, pour tout le monde. On peut voir du basket partout, sur son téléphone, sa tablette, la nuit, le jour… Il y a un record absolu de nombre de matches diffusés, deux par nuit et un le matin, et d’émissions, puisqu’on fait une quotidienne. Si on avait dit ça il y a dix ans, on l’aurait cru ? Pas sûr.

Le football est prioritaire sur beIN SPORTS. Quelle place tient la NBA ?
Dans l’ADN de beIN, il y a les sports US. Le basket, mais aussi le foot américain et maintenant le baseball, et ils ont regretté de ne pas avoir pu attraper le soccer. Il y a une envie de nuits américaines. Bien sûr, on est sur une chaîne où, je ne connais pas les chiffres, mais je vais dire que huit personnes sur dix viennent pour le foot, mais ça permet à des gens du foot de s’intéresser à la NBA.

Face aux armadas de Cleveland et Golden State, qui ont disputé les trois dernières finales, certains critiquent l’ère des “super teams”. Qu’en pensez-vous ?
Je ne suis pas contre les super teams. Le Real, c’est quoi ? Et la Juve, Manchester, Chelsea ? En rugby, Clermont, Toulon sont des super teams. C’est le haut niveau qui veut ça. Et à la fin des eighties, Boston et Los Angeles, c’était quoi ? Des super teams. Ils affichaient peut-être moins leur copinage. Ce qui a choqué, c’est Kevin Durant à Golden State. Mais quand Ray Allen et Kevin Garnett rejoignent Paul Pierce à Boston, ça y ressemble, Chris Bosh, LeBron James et Dwyane Wade à Miami aussi.

Et quid du refrain “c’était mieux avant”, fréquemment employé par d’anciennes gloires NBA ?
Je ne suis pas là-dedans. Avant, c’était comme c’était : différent. J’ai fait un entretien avec Gary Payton, il a dit qu’il prenait plus de plaisir à la manière dont ça jouait avant. Est-ce que maintenant, avec les bestiaux qu’il y a, tu pourrais laisser la latitude physique d’avant ? Avec le nombre de bonnes équipes que tu as ? Dans les années 1980, tu avais pas mal de matches où les favoris savaient qu’ils allaient gagner. Maintenant, tu as des bons joueurs partout, et si tu arrives les mains dans les poches, tu te fais fesser. (…) Par moments, les Warriors pratiquent un jeu sublime et sont une division au-dessus, mais les Spurs, même si ça n’a duré que deux-tiers de match, les avaient mis au trapèze en playoffs, et ça reste un point d’interrogation. Et d’autres équipes peuvent atteindre ce niveau.

Côté français, les projecteurs sont braqués sur Frank Ntilikina. N’y a-t-il pas un décalage entre les attentes, la médiatisation, son statut de plus haut Français drafté, et le fait qu’il jouait 18 minutes par match à Strasbourg la saison passée ?
Le gap est d’importance. Il a été dominant par moments, sur des minutes, mais jamais sur plusieurs matches ou une saison. Maintenant, que Carmelo Anthony soit parti fait que les Knicks sont dans un processus de jeunesse, de restructuration. Avec énormément de joueurs FIBA : Willy Hernangómez, Mindaugas Kuzminskas, Kristaps Porziņģis, Joakim Noah… Pour lui, c’est un facteur très positif. Même s’il n’a pas joué trente minutes de moyenne à Strasbourg, il a mis des points par moments, fait des tâches défensives, s’est formé au poste de meneur, a bourlingué à travers l’Europe… Il peut faire beaucoup de choses sur un terrain. Alors, oui, les Knicks restent les Knicks, mais là, personne n’en attend des merveilles. S’ils font dixièmes, tout le monde applaudit !

Passons à la Pro A. La LNB lance un nouveau plan stratégique pour le développement du basket français, qui rêve toujours d’arenas, de locomotives. Des sujets déjà abordés il y a dix ans…
(Il coupe) Vingt ans !

Pourquoi le basket français ne cesse de se poser les mêmes questions quant à son développement ?
La réponse viendra de sponsors nationaux, d’exposition différente, de retrouver le très haut niveau de club européen. L’arrivée d’Amazon (partenaire LNB) est une excellente chose. Et il y a des budgets qui commencent à être conséquents, ça s’approche. Villeurbanne, Strasbourg, ça se développe, ça a de l’ambition. C’est plus compliqué pour d’autres, mais des Chalon, Limoges, Cholet, restent des bastions. Mais les questions se posent toujours. On a raté quelques trains. Maintenant, il y a l’Euroleague et la NBA, deux entités où la France place vingt-cinq joueurs, ça complique quand même le dossier.

Qu’entendez-vous par une exposition différente ?
(Il réfléchit) Il faut appeler un chat un chat : depuis un an, SFR, ce n’est pas très vu. Tu as eu une superbe finale de championnat de France, haletante, dans des salles blindées, avec un suspense terrible… Attention, ce que je fais, ce n’est pas critiquer SFR, c’est que, pour l’instant, tu n’es pas vu ! Tu es moins exposé que d’autres, le retentissement ne se fait pas au niveau national, même si tous les sports co sont sur des chaînes à péage. (…) Après, ce qui se fait dans le basket français me paraît positif. La Leaders Cup a un partenariat avec Disney. C’est critiqué, mais celui qui ne fait rien n’est jamais critiqué. Prendre des influenceurs, pouvoir voir les matches en direct, tout ça est hyper positif sur la communication. Des trucs me plaisent, d’autres pas, mais au moins des choses sont faites. À l’époque, je voulais – et je pense qu’on a eu tort de ne pas le faire – qu’il y ait un label LNB pour les joueurs formés chez nous. Moi, ce qui m’intéresse, c’est le jeu, et je trouve qu’il n’est pas au centre du débat.

Le jeu, donc les joueurs. Les meilleurs sont inacessibles financièrement, et aujourd’hui même des Français de niveau inférieur (Nicolas De Jong, Landing Sané, Frédéric Bourdillon) quittent la Pro A. Ne rate-t-elle pas quelque chose en ne retenant pas ceux qui la font ?
Bien sûr que si, mais tu ne peux pas empêcher qu’il y ait plus de gamins qui font Erasmus qu’il y a quinze ans. Il y a l’attrait de l’aventure. Et il ne faut pas se cacher, il y a l’attrait financier, l’absence de taxe. Ça ne me choque pas dans la mesure où on arrive à récupérer des Espagnols, Italiens, Belges, etc. C’est le cas, un peu.

Le champion, Chalon-sur-Saône, n’a pu conserver ses joueurs, raisons financières. Le renouvellement permanent des effectifs est inéluctable ?
Je ne crois pas. Il y a beaucoup de facteurs. Ce qui est arrivé à l’Élan est une caricature. Perdre le grand Moustapha Fall pour aller là où il va, je veux bien, perdre John Roberson, c’est compliqué, perdre Axel Bouteille aussi. Tu en perds un à Villeurbanne, un à Limoges, dans ton championnat, c’est toi le champion, il faut se poser les bonnes questions. Je ne pense pas qu’il y ait des différences financières si importantes que ça. La réponse est toute simple pour moi, c’est que tu n’as ni l’Euroleague ni l’Eurocup. Sinon tu aurais gardé ces joueurs et le club aurait pu développer un budget différent.

Dès que LNB et FFBB ont décidé de suivre la FIBA plutôt que l’Euroleague, vous avez exprimé votre désaccord. Aujourd’hui les clubs de Pro A sont de retour en Eurocup. Peut-on se rassurer en se disant que le basket français n’a perdu qu’un an ?
Non ! Pour l’Euroleague, ça fait deux ans minimum, déjà. Pour l’Eurocup, on avait quand même un club en finale (Strasbourg 2016) ! En finale ! Là, on repart à zéro. Je trouve ça très dommage. On a perdu du temps, plus d’un an.

Le conflit FIBA/Euroleague, les fenêtres internationales : les instances ont-elles cassé le basket européen en mille morceaux ?
Non, pas à ce point. Dans un certain sens, il y a conflit d’intérêt. On est un pays qui a vingt-cinq joueurs en Euroleague et NBA. Imaginons qu’ils ne puissent pas venir pour les fenêtres. Ça veut dire que toi, qui a une excellente formation, tu ne peux pas utiliser tes joueurs dans les fenêtres de l’émanation à laquelle tu appartiens (FIBA), c’est quand même paradoxal ! Que la FIBA veuille développer le basket et maintenir des équipes nationales dans des plus petits pays, je le conçois, Michel Platini a fait la même chose dans le football, mais ce que je ne conçois pas, c’est le blocage. Que les mecs de NBA ne viennent pas en novembre et février, je comprends. Qu’il y ait un blocage à ce point avec l’Euroleague, je trouve ça dommageable au possible. Ça va jusqu’aux arbitres ! Évidemment, c’est une histoire d’intérêts, de chiffres, de pépètes, de patates, d’argent, comme tu veux. Et ça, ça m’emmerde. Ce blocage m’emmerde.

La France pourrait retrouver une place en Euroleague la saison prochaine. Un club de Pro A est-il prêt à disputer trente matches face à des équipes à plus de 10 M€ de budget ?
Il faut des joueurs adaptés, des structures de déplacement, c’est une autre vie, mais oui, c’est possible. Ce qu’on voit, c’est que les équipes qui vont dans le Top 8 ont quinze joueurs. C’est aussi simple que ça. Tu as plusieurs moyens de le faire : prendre des joueurs de complément, valoriser ta formation en mettant les mecs sur le terrain, ce qui est toujours un peu le bémol chez nous. Ce n’est pas une critique, c’est un constat : on a du mal à mettre les jeunes sur le terrain de manière régulière. Des coaches le font, mais ça pourrait être mieux.

La faute aux coaches ?
Non, ça vient du fait que les coaches veulent un résultat immédiat sans cela ils sont vite en difficulté.

Donc ça vient des dirigeants ?
Du contexte. Au bout du bout, d’un GM ou président. Il faut gagner ! Ça a toujours été comme ça. Quand tu es coach, tous les matins, tu remontes le ressort qui est sous ton siège. Si tu perds des matches avec un gamin et que tu ne fais pas jouer tel joueur qui a été pris par le club ou que tu as recruté, on va te dire : “Celui-ci, pourquoi on l’a pris ?” Mais quand tu fais des saisons remplies de matches, si les joueurs sont lucides, si tout le monde est lucide, il y a à manger pour tout le monde, c’est une question d’état d’esprit.

Avec Louis Labeyrie, Vincent Poirier, Cyrille Eliezer-Vanerot, Freddy Fauthoux a montré l’exemple ?
Dans le contexte de Levallois, Freddy est libre de tout. Et quels sont les joueurs qui ont été mauvais à côté de Louis Campbell ? Même s’il déchire parfois en adresse, même si ceci ou cela, je constate qu’à côté de lui les joueurs sont bons. Quand Freddy a construit cette équipe, je lui ai dit : “C’est plus difficile de diriger, rassurer une équipe que de courir, sauter dans tous les sens en faisant des contres et alley-oops. Joue avec les Français, assure-toi une grosse ligne arrière avec le petit Lesca, Campbell et Jason Rich, cette année Klemen Prepelič, et tu pourras jouer au basket.”

Vous avez été conseiller du président Jean-Pierre Aubry au Paris Levallois. Que vous inspirent le fait que le club soit désormais uniquement Levallois et l’absence de la capitale dans l’élite ?
D’abord, bravo à Jean-Pierre Aubry de tenir ce club. Ensuite, il était prêt à s’effacer, et une bonne partie de Levallois avec lui, en 2016, pour que tous les matches soient à Paris. C’est le moment où la mairie de Paris a décidé de se désengager. Après, il n’y a plus de club à Paris, oui, il n’y a plus le Racing, le PUC, le Stade Français, Bagnolet… C’est comme ça ! Il y a Paris Basket Avenir, le projet à Tremblay-en-France. Paris Levallois était candidat pour être résident de Bercy 2 et il y a eu ce retrait de la mairie de Paris. Le basket est un sport olympique majeur, j’espère que Paris, d’ici 2024, aura une équipe. Mais dire que le basket français ne peut pas vivre sans, j’ai envie de répondre, sans faire injure à ceux qui ont été acteurs du basket parisien et j’en fais partie : qu’est-ce qu’on fait depuis quarante ans ?

Donc avant de rêver d’un grand club parisien, d’une arena ci ou là, le basket français devrait capitaliser sur ses forces, les projets de l’ASVEL, Strasbourg, d’autres…
(Il coupe) On va revenir au jeu : ça passera par des joueurs, des victoires, du talent, du spectacle, des méthodes, et par gagner. C’est vrai que nos dirigeants travaillent bien, que nos salles sont remplies, qu’on n’est pas le pays le mieux structuré en termes d’arenas… On en revient à ce qu’on disait plus tôt, c’est toujours les mêmes questions, et ce que je dis, c’est : il faut gagner. Et il faut former, fidéliser les joueurs, et que sans être le Partizan ou l’Étoile Rouge, on ait trois-quatre gamins dans un effectif de douze-quatorze. Quand Tony Parker veut lier son académie avec une entité pro qui ferait l’Euroleague, il sait qu’il a besoin de quinze joueurs pros et que s’il en forme cinq sur les quinze, ça coûtera moins cher – à terme, car l’investissement premier est là et tu auras beaucoup de déchets.

Abordons l’équipe de France et son élimination en huitième de l’Euro. À répéter tout l’été qu’ils avaient du talent, les Bleus se sont-ils vus trop beaux ?
(Il réfléchit longuement) Je n’étais pas content de voir ce que j’ai vu. Oui, il y a du talent. Est-ce le talent qui te fait gagner à haut niveau ? Je ne crois pas. Il en faut, mais c’est le concept d’équipe qui te fera gagner, c’est déjà t’opposer à l’autre, ce qui était le label de l’équipe depuis dix-quinze ans : même quand elle ne gagnait pas, elle défendait. Dans un sport co, si tu joues les uns après les autres, ce n’est pas bon ! Et j’ai parfois eu cette impression. J’ai lu Les secrets des All Blacks. Eux privilégient le concept d’équipe sur le talent, tout le temps. Ça ne t’empêche pas de mettre des joueurs de talent dans ton concept d’équipe, mais s’ils l’acceptent. La bascule est là. J’adore Louis Labeyrie, je suis aussi lié avec Kim Tillie, on ne peut pas dire que je n’aime pas les deux. Pourquoi l’Olympiakós prend Kim Tillie ? En préparation, j’entends “Louis a mis deux paniers, il va être sélectionné”. Mais arrêtez les conneries ! Ton Euro va se jouer sur des poses d’écran, de la discipline. Tu n’es pas là pour faire une sélection à qui mettra le plus beau panier, parce que là on est champion d’Europe, tu es là pour faire une sélection avec des rôles, un fonctionnement. Merde ! On n’y va pas pour être élégant, on y va pour être bon même si on est un peu vilain. Et puis le talent… Ils n’en avaient pas aussi, en 2003, 2005, 2007, 2009, 2011 ? Mais ils n’ont pas gagné. Et en 2013, il se déclenche quelque chose, par moments ça joue merveilleusement, il y aussi a des mauvais matches, une équipe très concentrée, un leader, Tony, des tauliers, Flo Piétrus, Mickaël Gelabale, Boris Diaw, Nico Batum, Nando De Colo, et le puzzle s’imbrique bien. Que les mecs soient tous capables de mettre vingt points dans leur équipe, oui, mais en équipe de France, il n’y en a qu’un qui va plus shooter, et toi, tu vas faire autre chose. C’est ça le principe de l’équipe de France et je pense qu’il n’a pas été bien perçu.

Est-ce le sélectionneur qui n’impose pas cette vision, les joueurs qui ne l’entendent pas, un tout ?
Déjà, il ne s’agit pas de rejeter la faute sur quelqu’un, en aucun cas. Bien sûr que c’est un tout. Ça fait deux ans. Aux Jeux (2016), tu peux perdre contre l’Espagne en quart, en ouverture contre l’Australie, mais il y a une manière, et elle n’y était pas. Cet été, tu peux perdre contre la Finlande en ouverture, mais pas en menant de neuf points dans le quatrième quart. Quant au match contre l’Allemagne, il est typique de l’inconstance. Avec les joueurs de l’équipe, et je ne vais pas parler de talent mais de potentiels avérés, on vaut quart ou demi à tous les coups. Pourquoi on n’y est pas arrivé ? Que ce soit la faute de Vincent, des joueurs, du Pape, qui tu veux… C’est très décevant. La génération d’avant avait bataillé pour arriver à un certain niveau, j’ai l’impression qu’on a lâché beaucoup… (Il réfléchit) Je n’aime pas trop utiliser le mot valeurs, il est employé à tort et à travers. On a perdu le fil conducteur de ce qui avait fait la génération Tony. Ça ne va pas faire plaisir que je dise ça. Je les adore, tous, mais je n’aime pas les voir se perdre. Et depuis, on n’a pas de nouvelle en plus, de personne !

C’est-à-dire ?
Les joueurs peuvent s’exprimer, dire ce qu’ils ressentent, ce qu’ils en ont retiré. Au moins que ça serve à quelque chose pour la suite ! Là, ça s’est évaporé vachement vite. Ce n’est pas pour les clouer au pilori, loin de là, mais merde, qu’est-ce que vous en tirez ? Hier j’ai interviewé Boris, je lui ai dit : “Il faut attendre d’avoir le nez dans la mouise pour savoir que ce n’est pas du chocolat ?” Il répond : “Oui, c’est comme avec les gosses, il faut se brûler”. C’est un peu con quand même. Tony Parker – je ne te parle pas de Jacques Monclar ou Greg Beugnot, mais de Tony Parker (il insiste) -, équipé avec Boris, Nico, etc., il a dû batailler pendant plus de dix piges, et nous on va croire qu’on arrive et youpi ? Non mais vous rigolez les mecs !

Les multiples forfaits constatés cet été indiquent-ils que seuls les JO compteront à l’avenir et que l’EuroBasket est mort ?
Mort, non. Mais tous les quatre ans, ce n’est pas la même. Qu’il devienne une compétition plus mineure dans les engagés, peut-être, mais dans le niveau… On avait la Serbie B+, mais ça jouait pas mal au basket ! La Grèce sans Antetokoúnmpo était capable de séquences, l’Italie sans Gallinari a fait un coup en huitième, la Lettonie, etc. En Europe, il y a plein de joueurs, un Euro ne restera jamais neutre. Mais oui, j’ai tendance à penser que la NBA et les grands clubs d’Euroleague vont libérer plutôt pour les Mondiaux et les Jeux, plus sûrement les Jeux. D’ailleurs, en foot, l’association des grands clubs de Champions League demande seulement deux fenêtres de matches d’équipes nationales. Il y a deux saisons, Paris et Barcelone ont laissé partir leurs joueurs internationaux aux quatre coins du monde pour des qualifications. Au retour, quart de finale de Champions League, Paris éliminé, Barcelone aussi. Tu payes un tribut, sans qu’il y ait de blessé, mais juste des mecs fatigués. Moi, j’adore les équipes nationales, mais ça fait un moment que je dis à mes potes : profitons-en parce que ça ne va pas durer. Tu ne peux pas donner 20-25 millions à des mecs comme en NBA et les laisser aller gambader en Biélorussie pour des matches de qualif.

Au cours de l’entretien, vous avez parlé basket français, européen, américain, technique et business. Les personnes à même de s’exprimer sur tous les sujets ne semblent pas légion. Où sont les autres voix ?
Mais je peux t’en citer des gens ! Laurent Sciarra, tu peux lui parler de basket. Si tu t’attables avec Stéphane Risacher, Laurent Foirest, Fred Weis, tu vas parler basket. Nico Batum, Boris Diaw, Evan Fournier, Joffrey Lauvergne, Ian Mahinmi, ils ont une connaissance du jeu, des joueurs, des palmarès, remarquable. Antoine Diot, c’est une encyclopédie, Vincent Collet aussi. Après, c’est aussi l’avis que tu donnes : si tu ne fais que répéter ce qui se dit… Moi, je regarde comment ça défend, les attitudes, le jeu. J’en reviens à mon idée principale : le jeu. C’est pour ça que les débats, ceci, cela, ça me gonfle. Mais taisez-vous ! Le jeu te sauve toujours. Et gagner des matches. Gagner des titres.

Article extrait du numéro 13 de Basket Le Mag  (novembre 2017)