Sur le modèle de «Paroles d’ex», de L’Équipe, Basket le Mag a décidé d’écouter les souvenirs de carrière des anciennes gloires du championnat de France. Du haut de son 1,70 m,  l’Américain Keith Jennings (49 ans), surnommé «Mister», a évolué trois ans en NBA et fut l’une des figures marquantes de la Pro A. Son passage au Mans de 1997 à 1999, terminé sur un trophée de MVP étranger, a enchanté Antarès, qui a retiré son maillot. Il a aussi joué à Nancy et fini sa carrière à Strasbourg, en 2004.

 

Propos recueillis par Yann CASSEVILLE

 

Quel fut votre coéquipier préféré ?

Je dois en citer plusieurs. Josh Grant au Mans. À Strasbourg, Ray Smith, Paris McCurdy, Maurice Smith. J’ai aussi apprécié joué avec Juan Aisa, Makan Dioumassi, Jojo Garcia, Adrian Autry. Il y en a d’autres, mais les préférés, ce sont ceux-là. (À la fin de l’interview, il revient sur cette question.) J’ai oublié Shawnta Rogers ! On n’était pas dans le même club mais on a été All-Star ensemble. Un super gars. Il a joué au Mans après moi, et je crois qu’il a aidé les gens à m’oublier tellement il était bon.

Le plus talentueux ?

En Europe, Maxime… J’ai oublié son nom. Un gars à la peau claire, très athlétique.

Zianveni ?

Voilà ! Je pense aussi à quelqu’un dont peu de personnes doivent se rappeler : Jacques Wampfler, à Strasbourg. Il a eu une grosse blessure, sinon il aurait eu une toute autre carrière. Je me rappelle aussi de Boris Diaw et Tony Parker. Contre TP, mon équipe a gagné les deux fois, il était tout jeune, c’était difficile de savoir qu’il aurait un tel avenir. J’ai été un peu surpris quand il a été drafté au premier tour. Après, jouer avec Tim Duncan, l’un des meilleurs de l’histoire, je pense que ça l’a beaucoup aidé, et j’ai été très heureux de voir la tournure que prenait sa carrière.

 

Le joueur le plus dur à arrêter ?

Paradoxalement, ce n’était pas un adversaire, mais un coéquipier, à Golden State : Tim Hardaway. C’était vraiment dur de défendre sur lui, il était rapide, vif. En attaque, j’ai essayé de copier son cross-over, mais personne ne peut le faire aussi bien que lui. Je l’ai tellement vu faire à l’entraînement qu’après, en match, c’était vraiment drôle de regarder les adversaires essayer de défendre contre ce cross. Je voyais dans leur regard qu’ils avaient peur ! (Il rit) Défendre sur lui à l’entraînement m’a aidé à être prêt pour affronter les autres supers meneurs, comme Gary Payton.

Le coéquipier le plus drôle ?

J.R. Reid, à Strasbourg. Lui aussi avait joué en NBA donc il avait toujours des histoires incroyables à raconter. Avec lui, c’était l’assurance de passer un bon moment pendant les déplacements. Il y avait aussi Frank Butter. Il mettait un seau d’eau près de la porte de ta chambre à l’hôtel, et quand tu entrais l’eau se renversait dans la pièce. Ou il te versait de l’huile dessus pendant ta sieste, après tu ne pouvais pas te retourner parce que ça glissait trop. Il faisait plein de petites blagues comme ça.

Le coach qui a le plus compté ?

Alain (Weisz), sans hésiter. Quand je revenais d’une blessure au genou, il a eu cru en moi en me donnant l’opportunité de venir au Mans. Et là, il a dit à tout le monde de me donner la balle et de me laisser prendre les décisions, ce qui m’allait très bien ! (Il rit) Aujourd’hui, avec le recul, je me dis que j’aurais aimé passer la plus grande partie de ma carrière au Mans. Mais quand vous êtes un Américain, MVP, que vous avez la chance de pouvoir gagner plus d’argent… Une carrière ne dure pas pour toujours. Mais si j’étais resté, ma carrière aurait probablement été meilleure.

Votre meilleur souvenir ?

Ma deuxième saison au Mans, quand j’ai gagné le trophée de MVP et qu’on a battu Cholet au premier tour des playoffs.

Le pire ?

Quand il y a eu ce problème de contrat, entre Le Mans et l’ASVEL (à l’été 1999, il est sous contrat au MSB avec une clause de départ jusqu’au 15 juin, pourtant il est annoncé à l’ASVEL une fois la date dépassée ; il signera finalement au Real Madrid). Une mauvaise période. Mon agent m’a dit que je pouvais gagner plus d’argent, j’ai juste pensé que c’était la meilleure chose à faire, je ne comprenais pas l’aspect business des choses, le contrat, tout ça. Après, quand je suis retourné jouer un match à l’ASVEL, avec Strasbourg, le public m’a sifflé toute la partie. Mais on a gagné.

Le joueur actuel qui vous ressemble ?

Kemba Walker (Charlotte Hornets). Pour sa façon de pousser la balle vers l’avant, le fait que ce soit un scoreur, une menace à trois-points, il semble toujours souriant sur le terrain. Mais je faisais plus de passes ! (Il rit)

 

Sa vie aujourd’hui

Dès sa retraite sportive, Jennings s’est lancé dans le coaching. Depuis cette saison, il dirige l’équipe féminine Lees-McRae (Caroline du Nord), en NCAA II. «L’équipe était dernière de sa conférence, actuellement nous sommes sixième», savoure-t-il. «J’ai souvent pensé revenir en France pour coacher, un jour. La dernière fois que je suis revenu (en 2017), pour la soirée des 30 ans de la LNB, j’ai discuté avec l’un de mes anciens coéquipiers, malheureusement décédé depuis, Fred Forte. Il m’a dit : tu as un nom, les fans te connaissent, tu connais ton boulot, tu pourrais coacher ici. J’y ai vraiment pensé, même si je n’ai rien tenté pour essayer de le faire.»

 

Article extrait du numéro 17 de Basket Le Mag  (mars 2018)