Avant que ne soient dévoilés les lauréats par la NBA le 24 juin, la rédaction a pris les devants. Pour nous, cette saison, le MVP, le meilleur défenseur et le meilleur rookie sont des Européens, tandis que la meilleure progression vient d’Afrique.

 

Par la rédaction

 

Antetokoúnmpo tient bien son surnom de «Greek Freak». Si Milwaukee a terminé premier de la saison régulière, et signé sa meilleure année depuis 1972, époque Kareem Abdul-Jabbar, c’est avant tout grâce à son monstre grec. Antetokoúnmpo, 3e marqueur et 6e rebondeur de la ligue, est le leader des Bucks aux minutes (33), points, rebonds, passes et pourcentage aux tirs (58). Si son tir à trois-points reste très perfectible (26%), cela n’empêche pas cet albatros de 2,11 m capable de parcourir le terrain en deux dribbles et un double-pas de martyriser toutes les défenses. Depuis six ans qu’il évolue en NBA, il a réussi à monter sa moyenne de points chaque saison. S’il est élu, Antetokoúnmpo sera le deuxième Européen MVP après l’Allemand Dirk Nowitki, et le quatrième  étranger, après le Canadien Steve Nash (2005 et 2006) et le Nigérian Hakeem Olajuwon (1994), même si celui-ci a aussi représenté, en plus de son pays d’origine, les États-Unis en sélection internationale.

Aux États-Unis, le principal concurrent d’Antetokoúnmpo est le MVP en titre, James Harden. Pourtant, dans notre classement, ce dernier est devancé par Nikola Jokić. Certes, avec 36,1 points, Harden a affolé les compteurs comme rarement. Seuls Wilt Chamberlain (à cinq reprises) et Michael Jordan (37,1 unités en 1986-87) ont fait mieux. Oui mais… Le numéro de soliste du barbu des Rockets, qui tire 13 fois à trois-points par match, vire parfois au one man show caricatural, et surtout Houston, 1er de NBA avec 65 victoires en 2018, est descendu à la 4e place de la conférence Ouest, avec 53 victoires. À l’inverse, Denver a grimpé dans la même conférence de la 9e à la 2e place en étant porté par la grâce de Jokić. Ce pivot si atypique, doté d’une vision du jeu aussi grande que sa lenteur, s’est classé 10e passeur, devant des meneurs comme Kyrie Irving, Damian Lillard, Stephen Curry. Dans l’histoire, un seul pivot a fini une saison avec plus de passes, Wilt Chamberlain, il y a plus de cinquante ans. En quatre ans de NBA, Jokić a toujours augmenté ses statistiques aux points, rebonds et passes. D’autres All-Stars devraient récolter des voix, notamment Joel Embiid (Philadelphie), Stephen Curry (Golden State) ou encore Paul George (Oklahoma City).


Ici sont présents les trois derniers vainqueurs : Gobert en 2018, Green en 2017, Leonard en 2015 et 2016. Cette saison encore, le Jazz de Gobert a affiché ses limites en playoffs, ne parvenant pas à s’immiscer au niveau des cadors de l’Ouest. Pour autant, le Français est peut-être le seul joueur de la ligue dont la présence ou non sur le terrain impacte réellement à la fois la défense de son équipe et l’attaque de son opposant. Soir après soir, ses adversaires, victorieux ou défaits, répètent les uns après les autres que ce grand pivot de 2,17 m, fabuleux contreur, arme de dissuasion massive, a changé leur façon de jouer. Et l’impact de Gobert va bien au-delà de ses contres (2,3 par match, 3e de NBA).

Quant à Green, il a prouvé depuis des années à quel point il était central dans le dispositif des Warriors. À Golden State, Stephen Curry est le roi, Klay Thompson son lieutenant, Kevin Durant l’arme fatale, Andre Iguodala le vétéran indispensable, Steve Kerr le guide, et Draymond Green est la plaque tournante. Un aboyeur, toujours à la relance, qui donne l’impression d’être partout à la fois, étant tout autant capable de défendre au poste sur un pivot, en se montrant dans le duel physique, qu’au large, à chasser le meneur sur pick’n’roll, ou à couper les lignes de passes. Et sa capacité à provoquer des passages en force fut décisive dans bien des rencontres. Enfin, Kawhi Leonard, l’homme qui ne montre jamais d’émotion, est sans contestation possible le meilleur two-way player de la planète, aussi imperturbable en attaque qu’en défense, où ses gigantesques mains sont toujours actives, pour gêner la vision de son vis-à-vis ou taper la balle à tout moment. Deux pivots mériteraient également de monter sur le podium : Joel Embiid (Philadelphie) et Myles Turner (Indiana).

Il ne peut y avoir de débat. Le très attendu Trae Young a livré une campagne remplie de promesses, aussi excitante que son jeu. Excellent balle en main, doté d’une formidable dextérité, clutch, le meneur a de quoi réveiller Atlanta. Mais Luka Dončić a quasiment mis la main sur le trophée après quelques semaines à peine de compétition. Au final, le Slovène a remporté le titre de rookie du mois de la conférence Ouest… à chaque mois ! Comme autant de gifles à Charles Barkley et tous ceux qui estimaient que si ce blanc-bec avait été élu MVP de l’Euroleague à 18 ans, cela signifiait qu’il évoluait dans une «compétition de merde»… Son adresse à trois-points a laissé à désirer (33%), mais Dončić s’est régalé offensivement, dans le scoring comme dans la création, expliquant que c’était plus facile de marquer en NBA qu’en Europe, parce qu’il y avait plus d’espaces et de liberté laissée à l’attaquant. Une statistiques suffit à se rendre compte de l’exceptionnelle saison réalisée par le champion d’Europe 2017 (en sélection avec la Slovénie) et 2018 (en club avec le Real Madrid) : il est le deuxième rookie à avoir aligné 20 points, 6 rebonds, 6 passes de moyenne depuis Oscar Robertson en 1961 ! Sauf scandale, il deviendra le deuxième Européen à remporter ce trophée, après l’Espagnol Pau Gasol en 2002. Il succèderait alors à l’Australien Ben Simmons. Deux étrangers d’affilée, une première dans l’histoire. Comme un marqueur de plus de l’internationalisation de la ligue.

Pour compléter notre podium, les statistiques dirigeaient vers DeAndre Ayton, qui a assuré un double-double avec Phoenix (16,3 points et 10,3 rebonds). Mais sa mollesse défensive et l’horrible saison des Suns (dernier de l’Ouest, 19v-63d) ont fait pencher la balance vers Marvin Bagley. Sacramento (9e de l’Ouest avec 39v-43d) a lutté jusqu’au bout pour rallier les phases finales, et son jeune intérieur, en sortie de banc, a fait étalage d’un potentiel certain, en seulement 25 minutes de temps de jeu.

Mais où s’arrêtera-t-il ? Pascal Siakam a débarqué en NBA il y  a trois saisons. Depuis, chaque année, il marque plus, prend plus de rebonds, donne plus de passes. Même constat avec son adresse : il est passé de 14 à 37% à trois-points, de 69 à 79% aux lancers. L’an dernier, il était à 7,3 points, 4,5 rebonds et 2,0 passes, en sortie de banc. Cette saison, il est devenu un titulaire indiscutable. Surtout, sa montée en puissance, continue, s’observe à vue d’œil. Il affichait 16,1 points avant la coupure du All-Star Game, 19 ensuite, et environ 21 en playoffs. Le Camerounais, à l’instar d’un garçon comme Antetokoúnmpo, fait de plus en plus peur à ses adversaires. S’il stabilise plus encore son adresse, gare aux dégâts !

Deuxième choix de la draft 2015 par les Lakers, D’Angelo Russell a été échangé par la franchise californienne deux ans plus tard, direction Brooklyn. Et avec les Nets, le meneur a confirmé qu’il avait du basket plein les mains. La saison passée, il compilait 15,5 points et 5,2 passes. Ses progrès sont visibles également aux tirs, notamment à trois-points (de 37 à 43%). Lui que l’on savait extrêmement doué, habile balle en mains, capables de délivrer des passes dans des angles improbables, a confirmé tout le potentiel qui lui était porté, et en plus a pris le leadership et guidé les Nets vers une qualification inattendue, mais méritée, en playoffs. Le tout sans gâcher plus de ballons qu’avant (3,1). Bref, il s’est comporté en patron.

Autre jeune meneur, De’Aaron Fox, le symbole des Kings et de leur jeu tout feu tout flamme. La saison passée, rookie, il avait fait étalage de sa vitesse supersonique, et assuré 11,6 points, à 30% de loin, et 4,4 passes. Désormais sophomore, il a réussi à maintenir ce tempo tout en jouant de façon bien plus juste, en délivrant plus de passes et en réglant la mire (37% à longue distance). Son compère de la ligne arrière aux Kings, Buddy Hield, passé de 13,5 à 20,7 points, a également son mot à dire pour ce trophée, tout comme le pivot sophomore des Hawks, John Collins (de 10,5 à 19,5 points).

Déjà titré en 2015 et 2018, Lou Williams vise la passe de trois. Et a de grandes chances de la réussir. Auquel cas, il égalerait le recordman en la matière, Jamal Crawford. Cette saison, Williams est déjà devenu le meilleur marqueur de l’histoire de la NBA en sortie de banc. Ce rôle qu’il boudait en début de carrière est devenu sa signature. Quatorze années déjà dans la ligue, pour 826 matches sur 936 de saison régulière débutés sur la touche. Ce talent offensif supérieur a bouclé une nouvelle campagne avec 20 points de moyenne, et ses nombreux quatrièmes quart-temps décisifs ont été l’une des clés dans la qualification surprise des Clippers en phase finale.

Derrière Williams, logiquement incontestable meilleur 6e homme, plusieurs noms peuvent être cités, comme ceux de l’ancien MVP Derrick Rose (18 points avec Minnesota), du booster d’OKC Dennis Schröder (15,5 points), du shooteur automatique d’Orlando Terrence Ross (15,1 points), de la légende Dwyane Wade (15,0 points avec Miami), ou même d’un coéquipier de Williams aux Clippers, l’énergique Montrezl Harrell (16,6 points). Mais nous leur avons préféré Domantas Sabonis, redoutable d’efficacité sur pick’n’roll et machine à gober les rebonds, et Spencer Dinwiddie, au cœur d’une folle ascension. 2e tour de draft 2014, le meneur végétait en G-League en 2016 et affichait 7,3 points en NBA en 2017.

Le nom de Budenholzer, arrivé l’été dernier sur le banc des Bucks, apparaît comme une évidence. Plusieurs statistiques sont éloquentes. Par rapport à la saison dernière, Milwaukee est passée de la 16e place générale de la ligue à la première. Grâce notamment à un jeu offensif performant (118,1 points, premier de NBA, contre 106,5 points et 15e de NBA un an plus tôt), moderne, rempli de trois-points. Les Bucks, 25e aux trois-points tentés en 2018, se sont classés 2e en 2019 ! Budenholzer, ancien assistant de Gregg Popovich à San Antonio pendant dix-sept ans, a déjà reçu ce trophée lors de son précédent poste, en 2015, à Atlanta. Il peut devenir le huitième entraîneur à l’emporter deux fois, et se rapprocher des trois illustres coaches ayant réussi le triplé : Popovich, Pat Riley et Don Nelson. 

Derrière Budenholzer, un visage bien connu du championnat de France, où il fut joueur puis coach : Kenny Atkinson. Peu nombreux sont ceux qui, l’été dernier, auraient parié sur une qualification de Brooklyn en playoffs. Pourtant les Nets ont décroché la 6e place de l’Est, fait passer leur capital victoires de 28 à 42, malgré la blessure de Caris LeVert en cours d’année, et avec Joe Harris, un ancien 2e tour de draft, en troisième marqueur, et Rodions Kurucs, le rookie letton, 40e choix de draft, qui ne jouait pas à Barcelone, comme titulaire. Dans la même lignée s’inscrit la saison des Los Angeles Clippers de Doc Rivers. Ils ont vu leur meilleur scoreur (Tobias Harris) partir en cours de saison, cela ne les a pas empêchés de rester dans le Top 8 de l’Ouest jusqu’au bout, en partageant les responsabilités entre Danilo Gallinari, Lou Williams et Montrezl Harrell. L’année où LeBron James débarque à Los Angeles, ce sont les Clippers qui filent en playoffs ! À noter également, les belles réussites de Mike Malone et Terry Stotts, respectivement 2e et 3e de l’Ouest avec Denver et Portland.

Extrait du numéro 31 de Basket Le Mag (Juin 2019)