Avant l’entrée des Français dans la Coupe du monde, la muraille défensive des Bleus (2,17 m, 27 ans) décrypte le plan de jeu contre l’Allemagne, ses ambitions et sa fierté de porter ce maillot. 

 

Propos recueillis par Yann Casseville, à Shenzhen (Chine)

 

Vous commencez par le plus gros morceau du groupe, l’Allemagne. C’est excitant ?

On va entrer dans le vif du sujet et c’est bien pour nous. On va essayer de commencer cette Coupe du monde sur une bonne note, et on sait que ça va bien nous lancer pour la suite.

Dennis Schröder avait fait très mal lors du huitième de finale gagné par l’Allemagne face à la France à l’Euro 2017. L’empêcher de briller sera l’une de vos missions ?

Il est très rapide et il aime attaquer le panier, donc forcément, je vais avoir un grand rôle à jouer sur ce match. Ça va être à moi de bien communiquer avec mes coéquipiers et de faire en sorte que les extérieurs restent avec les shooteurs. Je pense que la plupart du temps, ça va être un deux-contre-deux entre le meneur et l’intérieur face à l’autre meneur et moi. Il ne faut pas le laisser passer, parce qu’après on crée des mismatches. Si on doit switcher, ça va dire que notre meneur se retrouve sur leurs grands de 2,10 m. Donc c’est à nous de bien communiquer.

Défendre en FIBA ou en NBA, c’est différent ?

Forcément un petit peu. Pour moi, c’est bien, il n’y a pas la règle des trois secondes défensives. Même si parfois, j’ai encore l’habitude de sortir… (Il rit) Mais c’est bien. Tu as moins d’espaces, donc forcément ça avantage la défense. On peut aussi nettoyer le cercle, j’ai repris un peu l’habitude. Ça peut faire la différence sur des matches qui se jouent à  un ou deux points. Et quand tu vois que ton tir va rentrer et que quelqu’un le nettoie, c’est assez démoralisant.

Et le contre, votre arme fatale ?

L’important, c’est de dissuader. Après, bien sûr, si les gens viennent et qu’ils essaient de marquer, c’est à moi de faire en sorte de les stopper. Que ce soit psychologiquement – c’est-à-dire qu’ils ont peur – ou en les contrant ou en changeant leur tir. Mais bien sûr, c’est un travail d’équipe. À nous de faire en sorte qu’on leur donne ces tirs-là et qu’ils n’aient pas l’option de trouver leurs coéquipiers, et que ce soit un duel.

Psychologiquement, vous sentez que vos adversaires hésitent au moment d’attaquer le cercle ?

Bien sûr. Aujourd’hui, les gens préfèrent ne pas tirer que se faire contrer. C’est ce que j’appelle les contres invisibles. Les gens ne vont même pas essayer de tirer, ou perdre la balle, ou carrément jeter la balle en espérant qu’elle rentre, et au final c’est même mieux qu’un contre, parce que tu sais que tu vas prendre un rebond et attaquer derrière.

Offensivement, les arrières ont semblé vous chercher de plus en plus au fil de la préparation. C’est une consigne de Vincent Collet de plus vous alimenter ?

Bien sûr. Avec Vincent, on est sur la même longueur d’onde à ce niveau-là. On a une grosse force à l’intérieur, il faut l’utiliser. Le fait qu’on joue plus à l’intérieur fait que ça resserre les défenses et après quand on ressort les ballons, les shooteurs sont un peu plus ouverts.

Plus globalement, dans cette Coupe du monde, quels sont pour vous les favoris et comment situez-vous les Bleus ?

Nous, on se concentre sur nous. Après, on sait qu’il y a beaucoup de niveau cette année, pas mal d’équipes qui peuvent prétendre au titre. À nous d’essayer de montrer ce qu’on peut faire, et de continuer à monter en puissance au fil de la compétition.

Que pensez-vous des multiples forfaits américains : content ou déçu de ne pas affronter la crème de la crème ?

Les Américains, on sait que quoi qu’il arrive, il n’y a jamais les douze meilleurs qui sont là, mais ils arrivent toujours à faire une équipe super forte. Cette année, pour moi, ils ont une équipe qui reste favorite, clairement. Ils ont douze joueurs NBA et un super coach, ça reste une équipe clairement très forte. Mais je n’aurais jamais peur d’une équipe. Ils peuvent ramener les douze meilleurs, je pense qu’on n’aura jamais peur d’eux. Ce sont des joueurs contre qui je joue toute l’année. Pour nous, le plus important, c’est se concentrer sur nous. Déjà, qu’on arrive jusqu’à eux. J’espère les rencontrer.

Avec votre coéquipier à Utah, Donovan Mitchell, membre de Team USA, ça chambre ?

Un peu de trashtalk. Dans le vestiaire cette année, avec Joe (Ingles, Australie), Ricky (Rubio, Espagne), Donovan, moi, même Raul (Neto, Brésil), on aime bien défendre nos pays respectifs, c’est toujours marrant.

Au contraire des Américains, qu’est-ce qui fait que vous et les autres Français, qui gagnez aussi très bien votre vie et évoluez en NBA, répondez présent au contraire des Américains ?

Déjà, la fierté ! L’argent, c’est bien, mais accomplir des choses, créer des souvenirs, pour moi, ça n’a pas de prix. Aujourd’hui, dans l’équipe, il n’y a aucun de nous qui vient pour l’argent. On gagne tous bien notre vie dans nos clubs. On vient vraiment pour accomplir des choses, gagner, représenter la France au plus haut niveau. C’est pour ça qu’on vient.

Ça vous avait manqué ?

C’est vrai que ça fait des années que j’avais coché cette Coupe du monde et ces JO sur mon calendrier. C’est vraiment quelque chose que j’attendais avec impatience. L’année dernière, je suis venu pour aider l’équipe à se qualifier. C’est quelque chose d’important pour moi.

Est-ce que ce sont aussi des liens tissés depuis les équipes de France de jeunes ?

Techniquement, la moitié de l’équipe, j’ai joué avec eux en jeunes. Ou si ce n’est pas moi, ce sont les générations d’avant qui ont joué ensemble.  Ça se perpétue. J’avais l’impression qu’hier, on était en moins de 20 ans. J’ai 27 ans, mais c’est la même chose ! Tu es là pour gagner, il y a une très bonne énergie dans ce groupe. Et même si on est une équipe assez jeune, on a quand même une bonne expérience, savoir que tout compte sur ces compétitions.

Et en U20, entre vous, vous disiez-vous que ce serait bientôt à votre tour ?

On ne se le disait pas, mais on savait. Que ce soit Evan (Fournier), moi, Louis (Labeyrie), Axel (Toupane)… Tous ces gars-là, on savait que ce serait à nous de prendre le relais en équipe de France A.

Ressentez-vous l’engouement des Chinois pour cet événement ?

Bien sûr. Je suis plus connu en Chine qu’en France ! C’est marrant. C’est un pays qui adore le basket. C’est vraiment cool de voir ça. On ne se rend pas compte qu’il y a autant de gens à l’autre bout du monde qui sont fans de basket. Ils demandent des photos, des autographes, tu vois qu’ils sont contents.